L’ORDRE PUBLIC DANS LES BAUX COMMERCIAUX
CA de Pau - 19 novembre 2021 - n° 19/02274
Des stipulations contractuelles conventionnellement acceptées par les parties peuvent-elles entraver l’application du statut des baux commerciaux ?
Une société civile immobilière a donné congé sans renouvellement ni indemnité d’éviction à sa locataire mettant ainsi fin au bail commercial d’une durée de neuf ans portant sur une résidence touristique. Les deux sociétés se sont ensuite rapprochées pour conclure un nouveau bail d’une durée de six ans, qu’elles ont renommé bail commercial non soumis aux articles 145-1 et suivants du Code de commerce. Dans ledit bail, une clause prévoit que le preneur renonce à toute propriété commerciale et à toute indemnité d’éviction à l’échéance du bail.
Au cours de la dernière année, la bailleresse a notifié à sa locataire que le bail ne serait pas renouvelé à son échéance. La preneuse suite à ce non-renouvellement demande une indemnité d’éviction en arguant du fait que la clause de renonciation insérée au bail devait être réputée non écrite car contraire au statut des baux commerciaux.
La bailleresse assigne alors sa locataire devant le tribunal en expulsion comme occupant sans droit ni titre des lieux occupés depuis la date d’expiration du bail liant les parties.
La bailleresse a relevé appel du jugement afin de voir infirmer la requalification du bail d’une durée de 6 ans en bail commercial soumis au statut des baux commerciaux et de voir prononcer l’expulsion de la locataire des locaux loués.
La cour d’appel, dans son dispositif, reprend de façon liminaire les stipulations contractuelles pour justifier le rejet des demandes de la bailleresse. Elle rappelle que la bailleresse a invoqué à tort la jurisprudence permettant aux parties de soumettre volontairement une location au statut des baux commerciaux qui n'avaient pas vocation à s'appliquer aux locaux loués, l'appelante ayant dénaturé le sens des dispositions de l'article L145-1 précité qui soumettent de plein droit au statut des baux commerciaux les locations portant sur des locaux entrant dans le champ d'application de la loi. Elle précise que le nouveau bail n'est ni un bail saisonnier ni un bail dérogatoire prévu à l'article L145-5 du code de commerce. Elle rappelle également que les parties ne peuvent transiger que sur les droits dont elles ont la libre disposition et que c'est donc vainement que la bailleresse se prévaut du caractère transactionnel des clauses du bail dérogatoire au statut des baux commerciaux dès lors que les parties n'ont pas prorogé le bail en cours en aménageant ses effets pour l'avenir mais ont conclu un nouveau bail soumis de plein droit au statut auquel elles ne pouvaient déroger. Elle conclut pour confirmer la décision du tribunal que la durée et la renonciation du preneur à son droit au renouvellement étaient d’ordre public et qu’on ne pouvait y déroger.
Cet arrêt est l’occasion de rappeler que la liberté contractuelle est une notion très encadrée en matière de bail commercial. Il est souvent très opportun lors de sa rédaction de recourir à des professionnels pour ne pas commettre des erreurs. La protection du locataire dans les baux commerciaux est assez particulière et le législateur reste très méticuleux en la matière.