Les charges locatives

LA REFACTURATION DES CHARGES LOCATIVES

Cour de cassation - Troisième chambre civile — 28 septembre 2022 - n° 21-20.294

L’application d’un forfait de charges locatives est-il valable ? L’utilisation d’un espace extérieur devenu illicite peut-elle donner lieu à un remboursement de charges locatives ?

Un locataire exerçant une activité d’entretien de véhicule est assigné par son bailleur en libération d’un espace situé à l’extérieur du bâtiment utilisé pour le stockage de pneumatiques, et en paiement d'une indemnité d'occupation et d'arriérés de charges.

La locataire a reconventionnellement demandé le remboursement de charges locatives indûment acquittées sur cet espace.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence fait droit à la demande de la locataire et retient que l’espace extérieur constituait une dépendance qui conserve le même usage depuis le premier locataire. Elle refuse également au Bailleur le remboursement de la taxe foncière prétextant que le bail commercial ne mentionnait pas explicitement le remboursement au propriétaire de cette taxe particulière et qu’un plafond de charges locatives était fixé à hauteur de 1300€ .

Dans une décision de cassation, la cour retient au contraire que le bail ne pouvait pas porter sur l’espace extérieur à l’arrière du bâtiment puisque que le bailleur n’était pas propriétaire de cet espace lors de la conclusion du bail, de sorte que les parties n’avaient pu l’inclure dans le champ du bail. Cet espace ne pouvait donc constituer une dépendance ou un accessoire quelconque de la chose louée. En second lieu, elle juge au visa de l’article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, que le locataire était intégralement redevable de la taxe foncière puisque le bail mettait expressément à sa charge l'impôt foncier et que le forfait de charge de 1300€HT/an prévu au bail concernait exclusivement les charges annuelles de copropriété et non l’ensemble des charges locatives.

Encore une fois, nous pouvons voir certaines libertés prises par le juge du fond quant à l’interprétation des clauses du bail commercial. La cour de cassation par plusieurs décisions récentes redore le blason de la liberté contractuelle qui se doit d’être préservée.

Cette décision est en cohérence avec une jurisprudence constante acceptant la refacturation de la taxe foncière uniquement en présence d’une clause expresse du bail (voir notre veille : REFACTURATION DE LA TAXE FONCIÈRE DANS UN BAIL VERBAL 2020 )

Il est à noter que cette décision est rendue sous l’empire d’une loi ancienne. Un litige similaire postérieur à la réforme des baux commerciaux de 2014 aurait probablement eu une solution de cour d’appel différente puisque la loi interdit désormais de recourir aux forfaits de charges et oblige le bailleur à procéder à la régularisation des provisions pour charges en fonction des charges réelles sur justificatif (L.145-40-2 du code de commerce).