La résiliation d'un bail commercial par un copropriétaire différent du copropriétaire bailleur
(Cass, 3ème civ, 08 avril 2021, n°20-18327)
En raison de manquement aux obligations du règlement de la copropriété, la Cour de cassation a reconnu à un copropriétaire seul la possibilité de faire résilier un bail commercial sur le fondement de l'action oblique.
Depuis de nombreuses années, la jurisprudence admet que le syndicat des copropriétaires est en mesure de demander la résiliation d’un bail et l’expulsion d’un locataire qui violerait les obligations du règlement de copropriété. Cela a notamment été le cas lors de la décision prise par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 14 novembre 1985 n°84-15.577, régulièrement réaffirmée par de multiples jugements.
Pour autant, un copropriétaire seul peut-il agir, sur le fondement de l’action oblique, en résiliation du bail liant un autre copropriétaire à son locataire ?
Pour rappel, selon l’article 1166 du code civil, les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne.
Dans cette affaire, une société s’est vue confiée un local commercial soumis, au statut de la copropriété, par le biais d’un bail commercial. La destination réside en l’activité d’achat, vente de cyclomoteur, réparation de scooter, location de véhicules sans chauffeur et activités connexes. Les copropriétaires des locaux contigües ont assigné le bailleur et le syndicat des copropriétaires en résiliation du bail et en expulsion de la société en raison de nuisances sonores et olfactives.
La cour d’appel de Paris donne raison aux copropriétaires puis un pourvoi en cassation est formé à l’encontre de la décision prise en seconde instance au motif d’une atteinte excessive à la liberté contractuelle. Pour rejeter ce pourvoi, la Cour de cassation argue qu’un copropriétaire a la possibilité d’exercer en lieu et place du copropriétaire-bailleur défaillant une action en résiliation du bail à l’encontre d’un locataire contrevenant au règlement de copropriété.
Le règlement étant un contrat, il prévaut sur le contrat de bail commercial même si le locataire n’en a pas eu connaissance, de plus dès sa publication au service de la publicité foncière, il devient opposable à tout occupant et copropriétaire. En outre, dès lors qu’un copropriétaire est informé des nuisances causées par son locataire mais qu’il ne demande pas à celui-ci de cesser ces nuisances, un autre copropriétaire peut demander la résiliation du bail commercial.
On peut voir par cette décision inédite une grande avancée jurisprudentielle dans la résolution des litiges de troubles du voisinage en copropriété.