BAUX COMMERCIAUX

 FIXATION DU LOYER DE RENOUVELLEMENT

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 8 février 2024, 22-24.268

En matière de baux commerciaux, passé une durée de 9 années, les parties peuvent s’entendre sur un renouvellement du bail. A cette occasion, le loyer sera révisé. Cette révision du prix est toutefois soumise à des règles précises et le montant de ce dernier peut fortement varier en fonction des circonstances. A moins de l’écoulement d’un délai de 12 ans depuis la conclusion du bail initial ou de l’évolution des facteurs locaux de commercialité et sauf stipulation contraire expresse, la valeur locative de renouvellement sera plafonnée à l’évolution des indices trimestriels. Dans le cas contraire, le loyer de renouvellement sera fixé à la valeur locative de marché dans la limite d’une augmentation de 10% par an.

Dans cette seconde hypothèse de renouvellement à la valeur locative de marché, la présence de clauses dites exorbitantes à la charge du Preneur tel que la refacturation de la taxe foncière, est définie comme des « facteurs de diminution de la valeur locative » par l’article R145-8 du Code de commerce.

Dans la présente affaire, à l’occasion du renouvellement d’un bail commercial, le Preneur a saisi le juge des loyers commerciaux pour que soit fixé le loyer de renouvellement. Se pose alors une question qui va donner lieu à une solution controversée : La fixation du loyer renouvelé sur la base de baux comparables refacturant la taxe foncière à la charge du locataire, permet-elle la suppression de l’abattement sur la valeur locative fondée sur la refacturation de cette présente charge ?

Après avoir sollicité une expertise judiciaire pour évaluer le montant du loyer renouvelé et malgré la refacturation de la taxe foncière par le Bailleur à la charge du Preneur, la Cour d’appel de Montpellier a refusé d'appliquer un abattement en considération que les termes de comparaison retenus par l'expert correspondaient à des baux avec taxe foncière à la charge du preneur et que ce transfert de charges était couramment pratiqué dans le secteur.

Sur le fondement de l’article L145-33 du code de commerce qui énonce que la valeur est notamment déterminée d’après les obligations respectives des parties ainsi que sur la base de l’article R145-8 du même code, la Cour de cassation annule l’arrêt rendu par la cour d’appel. Quand bien même la refacturation de la taxe foncière à la charge du Preneur serait devenue la pratique majoritaire, d’un point de vue de pure application du Droit, cette charge appartient initialement au Bailleur et constitue donc un facteur de diminution de la valeur locative.

Là où cette décision fait l’objet de vives critiques, c’est sur le fait que l’ensemble des comparables retenu par l’expert appliquaient une refacturation de la taxe foncière à la charge du Preneur et qu’en conséquence celle-ci-étant déjà incluse dans le prix des comparables, il n’apparaissait pas opportun d’appliquer un abattement sur cette valeur. Encore une fois, la cour de cassation qui nous le rappelons est aussi appelée « juge du droit » n’est pas en position de pérenniser une telle pratique alors même que les textes précisent que cette charge appartient sauf stipulations contraires au Bailleur. En l’espèce, si l’expert avait voulu se conformer au droit, il aurait dû ajouter le montant de la taxe foncière sur ses comparables et ensuite appliquer un abattement pour diminuer la valeur locative.