BAUX COMMERCIAUX

RESILIATION DU BAIL COMMERCIAL ET LIQUIDATION JUDICIAIRE

Cour de cassation, Chambre commerciale économique et financière, 18 janvier 2023 – n° 21-15.576

Le bailleur peut-il demander la résiliation du bail commercial dès la résolution du plan de redressement donnant lieu à liquidation judiciaire ? 

En 2014, une société exerçant son activité dans un local loué sous le régime des baux commerciaux a été placée en redressement judiciaire puis a bénéficié d’un plan de redressement en 2016. Trois ans plus tard a été prononcé la résolution du plan de redressement et la mise en liquidation judiciaire de la société preneuse. C’est alors qu’un mois après, le bailleur a saisi le juge-commissaire d’une demande en résiliation du bail en non-paiement des loyers depuis la mise en liquidation judiciaire.

Après avoir vu sa demande rejetée par la cour d’appel, le Bailleur conteste et forme un pourvoi en cassation, au motif que l’action en résiliation du bail peut être engagée à l’expiration d’un délai de 3 mois à compter du jugement d’ouverture. Le point de départ étant soit la date du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire, soit la date du jugement d’ouverture de redressement en cas de conversion de la procédure en liquidation judiciaire ou lorsque la liquidation judiciaire fait suite à la résolution du plan de redressement.  Le Bailleur prétend enfin que le juge doit se placer à la date du jugement et non à celle de la demande.

Concernant le point de départ, la cour a jugé qu’en présence d’une liquidation ouverte suite à la résolution du plan de sauvegarde, « il ne s'agit pas d'une conversion de la procédure de redressement en cours, mais d'une nouvelle procédure collective, de sorte que, dans cette hypothèse, le point de départ du délai de trois mois est la date du jugement prononçant la résolution du plan et ouvrant la liquidation judiciaire ». S’agissant de l’appréciation de la date de la demande, le juge doit se placer non à la date à laquelle il statue, mais à la date à laquelle le bailleur l'a saisi de la demande de résiliation.

Une décision étonnante au regard de celles rendues dans les domaines voisins. En effet, en cas redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire, les juges estiment de manière constante que la liquidation n’est pas une nouvelle procédure mais le prolongement de la précédente (Cass. com., 24 juin 2014, n° 13-21.074). Dans ce cas-là, le délai de 3 mois court dès l’ouverture du redressement et non de la liquidation judiciaire.

Conformément à sa position courante, la cour apprécie la recevabilité de l’action à la date à laquelle l’action a été introduite (Cass. com., 6 déc. 2005, n° 04-10.287). Bien qu’en l’espèce le Bailleur ait renouvelé sa demande ultérieurement en cours de procédure, cela est resté inefficace. La cour précise clairement la prise en compte de « la date à laquelle le Bailleur l’a saisi de la demande en résiliation ».

A retenir de cet arrêt : En cas de liquidation judiciaire faisant suite à la résolution d’un plan de redressement il s’agit d’une nouvelle procédure collective faisant courir le délai de 3 mois à compter de la date de la résolution du plan de redressement. Même si à la date à laquelle le juge statue est postérieure à 3 mois, seule la date du dépôt de la demande comptera, peu importe le renouvellement ultérieur de la demande en cours de procédure.