Absence d'indemnité d'occupation en cas de local inexploitable
Cass civ 3ème 3 novembre 2021 - n° 20-16.334
Le locataire est-il tenu au paiement d’une indemnité d’occupation malgré le caractère inexploitable du local commercial ?
Dans cette affaire une SCI propriétaire d’un local commercial a conclu un bail commercial avec une société. Suite à des impayés, la SCI a délivré un commandement de payer les loyers en visant la clause résolutoire inscrite dans le bail commercial. La locataire a assigné sa bailleresse en opposition au commandement de payer, en annulation du bail commercial, et en indemnisation de son préjudice.
La Cour d’appel déboute la bailleresse de sa demande jugeant qu’elle a commis une faute manifeste en concluant un bail commercial sur un local impropre à sa destination. Elle l'a ensuite condamné par la même occasion au paiement d’une somme de 130 000 € à titre de dommages et intérêts. Cette somme correspond à un prêt bancaire contracté par la locataire pour les travaux de remise en état des locaux loués afin de pouvoir exercer son activité. Par contre, la locataire est étonnamment condamnée par la cour d’appel à payer une indemnité d’occupation à la bailleresse pour l’avoir privée de la jouissance de son bien jusqu’à remise des clés.
Saisie, la cour de la cassation casse partiellement au visa de l’article 1382, devenu 1240 du code civil et du principe de la réparation intégrale du préjudice l’arrêt rendu par la cour d’appel. Elle réaffirme ainsi la jurisprudence actuelle tout en précisant que les dommages et intérêts doivent réparer le préjudice sans qu’il n’y ait ni perte ni profit pour la victime. Elle condamne ainsi l’absence de recherche par les juges de la cour d’appel de l’exactitude du montant des dépenses effectuées par la locataire dans la fixation du montant des dommages et intérêts. Ceci afin d’éviter un enrichissement illicite des victimes dans ce type de préjudice.
Sur le versement d’une indemnité d’éviction par la locataire, pour jouissance des locaux mis à disposition par le bailleur jusqu’à annulation du contrat, la jurisprudence a déjà affirmé de manière constante que la partie qui a bénéficié d’une prestation qu’elle ne peut restituer, comme la jouissance d’un bien loué doit quand même s’acquitter une indemnité d’occupation (Cass civ 3e,24 juin 2009 n°08-12.251). Cette assertion représente le cœur même de cet arrêt qui lui a valu une publication au journal officiel. La situation d’espèce est très différente, car le locataire a conclu un bail commercial sur un local qui était impropre à sa destination contractuelle. Une notion de vice caché qui vient changer la jurisprudence jusqu’à lors favorable aux bailleurs. Ainsi, le locataire n’ayant pas bénéficié de la jouissance de locaux conformes à leur destination contractuelle n’est dès lors plus redevable d’une indemnité d’occupation.
Que retenir de cet arrêt, c’est la consécration parfaite du principe "Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude". Le non-respect des obligations contractuelles par le bailleur a pour conséquence une impossibilité pour lui de demander une indemnité d’occupation pourtant acquise dès jouissances des locaux par le locataire.