Le droit de préemption du preneur commercial lors d'une liquidation judiciaire
Cass com 23 mars 2022 - n° 20-19.174
Le preneur commercial conserve-t-il son droit de préemption dans le cadre de la vente de l'immeuble objet de son bail suite à une liquidation judiciaire ?
Suite à la mise en liquidation judiciaire d’une société, une ordonnance autorisant la vente d’un immeuble de la société débitrice est prise par un juge-commissaire en date du 7 mai 2019. Un local de cet immeuble faisait l’objet d’un bail commercial.
Le notaire de la société acquéreuse chargé de la rédaction de l’acte de vente a notifié le projet de vente au locataire des locaux commerciaux situé dans l’immeuble tout en l’informant de son droit de préférence en qualité de preneur commercial.
Pour rappel, cette notification ne s’épuise qu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de sa date de réception par le preneur commercial. En cas d’acceptation, il dispose d’un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si cette vente est soumise à l’obtention d’un prêt, son acceptation est donc subordonnée à l’obtention du prêt et le délai est porté à quatre mois.
En l’espèce, la locataire a exprimé sa volonté d’exercer ce droit en date du 6 juin 2019.
Suite à cette notification, le liquidateur rappelle l’existence d’une clause dans l’acte de vente selon laquelle la vente portait sur un immeuble vendu dans sa globalité et donné pour partie à bail commercial. Cette clause devait donc être considérée comme une exemption au droit de préférence du preneur commercial. Il réussit notamment à faire rétracter l’ordonnance du 7 mai 2019 et à ouvrir un nouvel appel d’offre pour l’acquisition de l’immeuble par une ordonnance du 18 décembre 2019.
La locataire saisit la cour d’appel pour excès de pouvoir et pour voir annuler cette ordonnance.
La cour d’appel reçoit le recours formé par la locataire et fait droit à sa demande en annulant l’ordonnance du 18 décembre 2019 au motif que le juge-commissaire était dessaisi par le prononcé de l’ordonnance du 7 mai 2019 ayant ordonné la vente de l’immeuble et qu’il ne pouvait rétracter sa décision. Le liquidateur se pourvoit alors en cassation.
La cour de cassation au visa des articles L.145-46-1, L.642-18 et R-642-37 du code de commerce casse partiellement l’arrêt rendu par la cour d’appel qui annulait l’ordonnance du 18 décembre 2019 pour excès de pouvoir au motif qu’une vente autorisée par un juge-commissaire au titre des opérations de liquidation judiciaire ne pouvait donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption au profit d’un preneur commercial et que les recours de ce dernier contre une telle décision ne sont pas recevables.
Cet arrêt permet de répondre clairement à cette question qu’on pourrait se poser en cas de vente d’un immeuble dans laquelle on est preneur commercial. Il faudra désormais appréhender le fait que ce sont les circonstances de la vente qui permettent de déterminer l’efficacité du droit de préemption dans le cadre de vente d’un local commercial.
Retenons donc en attendant d’autres retournements que seule l’initiative de vente du bailleur octroie au preneur les droits et obligations liés au droit de préférence du preneur commercial.