LA CESSION EFFACE LA FAUTE
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 décembre 2023, 22-13.661
Une société Bailleresse a donné à bail commercial plusieurs locaux à usage de résidence de tourisme à l’égard d’une société Preneuse que nous appellerons société A. En raison de défaut de paiement des loyers et charges, le Bailleur a d’abord fait délivrer un commandement de payer à l’encontre du locataire. Trois mois plus tard, faute d’exécution des obligations du Preneur, le Bailleur a donné congé à ce dernier avec refus de renouvellement sans indemnité d’éviction, pour motifs graves et légitimes.
Environ deux mois après la délivrance de ce congé, le Preneur, société A, a cédé son fonds de commerce à une société B.
Se pose alors la question suivante : Le cessionnaire d’un fonds de commerce dont le bail n’a pas été renouvelé sans indemnité d’éviction pour faute, peut-il prétendre à une nouvelle indemnité d’éviction ?
La réponse est OUI. En effet, la Cour de cassation qui a confirmé l’arrêt rendu par la cour d’appel, a estimé après avoir rappelé que le congé avait été délivré avant la cession du fonds de commerce que le bailleur ne pouvait invoquer contre le cessionnaire de ce bail que les faits personnellement imputables à ce dernier et non ceux commis par le cédant. Elle confirme enfin son argumentaire en précisant que les commandements de payer intervenus avant cession étaient personnellement destinés à l’ancien Preneur et qu’en conséquence le nouveau Preneur n’avait pas à en subir les conséquences.
A retenir de cet arrêt : En résumé en cas de délivrance d’un congé avec refus de renouvellement sans indemnité d’éviction, la cession du fonds de commerce permet de purger tous les vices antérieurs de manière que le Bailleur doive indemniser le cessionnaire.
Cette solution pose un problème au niveau de l’équité. Le grand perdant dans ce cas de figure est le Bailleur qui voit son droit de refus de renouvellement sans indemnité d’éviction déjoué par la cession du fonds de commerce de l’ancien Preneur fautif. Il est compréhensible que le cessionnaire qui vient d’acquérir un fonds de commerce comprenant notamment la location des locaux, soit indemnisé. Toutefois, cette indemnisation ne devrait pas être imputée au Bailleur dès lors que ce dernier a respecté la procédure relative au refus de renouvellement. Il y là une erreur d’appréciation du fait générateur du bénéfice de l’indemnité d’éviction. Ou bien dans l’hypothèse où l’on maintiendrait l’indemnisation du cessionnaire, le Bailleur n’a pas à être lié par une responsabilité in solidum vis-à-vis de l’ancien Preneur.